Responsabilité de l'Etat et acheminement de la propagande électorale

Il résulte des dispositions du code électoral que dans chaque circonscription, il est formé une commission de propagande chargée de vérifier la conformité des circulaires et bulletins de votes. Ainsi que d’en assurer l’envoi postal.
 
Il est acquis en jurisprudence que la commission de propagande commet une faute qui peut engager la responsabilité de l'Etat en négligeant d'adresser au domicile d'un nombre significatif d'électeurs les documents électoraux remis par les candidats dans les délais precrits. 

  • En ce sens : TA Versailles 11 fevrier 1982, Hautot : Lebon p. 470.

 
Il résulte de cette jurisprudence, qu’il est possible d’engager la responsabilité de l’état pour sa carence dans l’acheminement des circulaires électorales. Cette responsabilité pour faute est appréciée notamment au regard de la perte de chance sérieuse d’obtenir le score de 5%.
 
La conséquence de cette appréciation est qu’il existerait deux types de contestations. L’une concernerait le juge de l’élection lorsque les dysfonctionnements ont eu pour effet de changer l’issue du scrutin en raison du faible écart de voix. L’autre, concernerait le juge administratif de droit commun dans le cadre d’un recours indemnitaire.
 
Ce paradigme a été confirmé par le conseil constitutionnel qui a considéré que :

  « Il n'appartient au Conseil constitutionnel de connaître de conclusions tendant au remboursement des frais de campagne électorale que si ces conclusions sont présentées au soutien d'une requête mettant en cause le nombre de suffrages obtenus par les candidats. » 

Voir :
Cons. const. 8 juill. 1986, AN Haute-Garonne, no 86-986/1006/1015 AN: Rec. Cons. const. 97

 

Une position également validée par le Conseil d’Etat qui a considéré que la juridiction administrative est compétente pour se prononcer sur la légalité d'une décision du Premier ministre rejetant une demande de remboursement des frais exposés par un candidat.
 
En ce sens :
CE 4 janv. 1974, Lefer: Lebon T. 984.

 
 
Pour autant, dans une jurisprudence plus récente, il a été considéré que la distribution insatisfaisante de la propagande électorale se rattachait seulement au juge de l’élection en ce qu’elle relevait du déroulement de la campagne électorale.
 

Voir en ce sens : Cour administrative d'appel de Versailles – 17 juin 2010 – n° 09VE03809

 « Considérant qu'il est constant que la commission de recensement des votes a comptabilisé et validé 24 928 suffrages exprimés alors que M. A n'a obtenu que 1 245 voix, soit 4,994 % des suffrages exprimés ; que s'il fait valoir qu'un bulletin légèrement déchiré aurait été, à tort, déclaré nul par le président d'un bureau de vote, cette circonstance, à la supposer établie, est sans incidence sur l'atteinte du seuil de 5 % des suffrages exprimés dès lors qu'il manquait à l'intéressé deux bulletins pour recueillir le nombre de suffrages requis ; qu'il ne saurait, par ailleurs, utilement se prévaloir d'irrégularités dans l'acheminement de la propagande électorale dès lors que ces faits se rattachent au déroulement de la campagne et aux conditions du scrutin et relèvent du contentieux de l'élection ; que faute pour le requérant de démontrer des erreurs de décompte des suffrages permettant de le regarder comme ayant atteint le seuil de 5 % des suffrages exprimés, l'intéressé n'est pas fondé à demander l'annulation des décisions du préfet lui refusant le remboursement de ses dépenses de propagande ; que l'Etat n'étant pas, en l'espèce, la partie perdante, il ne peut être fait droit à sa demande tendant à ce qu'il lui soit versé le montant des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; »

Cette jurisprudence peut laisser penser que le seul angle pour contester le défaut d’acheminement de la propagande électorale est la contestation du scrutin devant le juge de l’élection en soutenant que le score aurait pu être différent si la propagande avait été distribuée.
 
Une telle appréciation, si elle devait être retenue par les juridictions, s’avèrerait beaucoup plus restrictive car :
 

  • Elle implique que le requérant doit intervenir dans le délai prescrit pour contester l’élection et devant le juge de l'élection
  • Le juge apprécie alors l’écart de voix pour vérifier si le résultat du scrutin aurait pu être différent. Si l’écart est trop important, alors le juge peut exclure l’indemnisation en considérant que le bon acheminement n’aurait pas changé de manière suffisamment caractérisée le score.
     

Pour apprécier votre situation et faire le point sur d'enventuelles contestations du scrutin ou recours indemnitaires, le cabinet est à votre disposition.

 

par AVALLONE Sébastien 2 juillet 2025
Par un arrêt rendu le 30 juin 2025 n° 494573,, le Conseil d’Etat opère un revirement de jurisprudence en forme d'importante clarification en matière d’appréciation du respect des délais de recours gracieux. Il estime que : « Sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires, telles les dispositions relatives à la contestation des élections politiques ou celles prévoyant des délais exprimés en heures ou expirant à un horaire qu’elles précisent, la date à prendre en considération pour apprécier si un recours contentieux adressé à une juridiction administrative par voie postale a été formé dans le délai de recours contentieux est celle de l’expédition du recours, le cachet de la poste faisant foi. Il en va de même pour apprécier si un recours administratif, gracieux ou hiérarchique, a pour effet de conserver ce délai. » Par cette évolution jurisprudentielle, le Conseil d’État a tranché une incertitude persistante : lorsqu’un recours gracieux est formé, la date d’expédition – et non celle de réception – doit être prise en compte pour apprécier s’il interrompt valablement le délai de recours contentieux. Cette position aligne le régime du recours administratif préalable sur celui du recours contentieux, où le cachet de la poste fait foi. Elle marque une volonté de protection accrue du droit au recours, au prix d’un nouveau déséquilibre en défaveur de la sécurité juridique. Un bouleversement concret pour la purge des recours Jusqu’alors, un recours gracieux reçu hors délai n’avait pas d’effet interruptif, ce qui contribuait à sécuriser les autorisations d’urbanisme, notamment au moment de la délivrance du certificat de non-recours. Ce repère est désormais fragilisé. Désormais, un recours expédié dans le délai mais reçu après son expiration prorogera valablement le délai contentieux. En pratique, cela signifie que les porteurs de projet, les notaires et les services instructeurs ne peuvent plus se fier uniquement à la date de réception pour évaluer la purge. Or, l’aléa inhérent aux délais d’acheminement postal rend cette évaluation délicate avec certitude. Une incertitude qui s’ajoute à d’autres. Cette évolution vient accroître une insécurité juridique déjà alimentée par plusieurs facteurs bien connus : • les demandes d’aide juridictionnelle en cours au moment de l’affichage ou de la délivrance du certificat de non-recours, • les affichages irréguliers de permis de construire, souvent mal identifiés, Ces éléments, cumulés, rendent la tâche des notaires plus complexe et alimentent les inquiétudes des professionnels, confrontés à la nécessité de lancer la commercialisation dans un contexte juridique incertain. Si la décision du Conseil d’État repose sur une logique juridique cohérente — prise en compte des disparités territoriales, incertitude des délais postaux —, elle déséquilibre davantage les relations entre requérants potentiels et bénéficiaires de permis de construire. Elle consacre la prépondérance du droit au recours sur le droit à la sécurité juridique, ce qui constitue un tournant défavorable pour les professionnels de l’immobilier et les collectivités. Certains confrères se réjouiront sans doute de ne plus voir leurs recours gracieux écartés pour cause d’envoi à la dernière minute. Mais cela n’allège en rien la pression liée au respect des délais. En effet, si l’on peut désormais expédier un recours jusqu’à la dernière heure via le site de La Poste, l’angoisse du délai manqué reste intacte. Les solutions de repli existantes — dépôt en main propre, ou à défaut recours contentieux via Télérecours — conservent leur pertinence. Il est permis de s’interroger : une solution plus nuancée, tenant compte du délai raisonnable d’acheminement, n’aurait-elle pas permis un équilibre plus juste ? Enfin, cette incertitude pourrait n’être que temporaire. Le Sénat examine actuellement une proposition de loi de simplification du droit de l’urbanisme et du logement. Selon les arbitrages retenus, notamment quant à la non-prorogation des délais de recours contentieux par les recours gracieux en matière d’autorisations d’urbanisme, les effets de cette jurisprudence pourraient être neutralisés par le législateur à brève échéance. SA/JB
10 octobre 2024
Nous sommes particulièrement fiers d’accueillir au sein de notre équipe deux nouveaux maillons. 🎉🎉🎉